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YA BASTA!

Deserta!... Déserte!... Un chuchotement qui arpente toutes les rues ; un son qui parcourt les couloirs de bureaux et des administrations ; un grésillement dans les haut-parleurs des usines, des institutions de la réflexion. Désobéi, éloigne-toi, reste chez toi... Arrête-toi. Le BUKO, qui aura lieu du 9 au 12 mai à Munich, invite à s'éloigner de manière collective, à dérailler et à s'arrêter.

« Au centre du marasme fulgurant » (Die Goldenen Zitronen), on stoppe tout pour se demander : «Où va-t-on? Et surtout... par où la sortie?» Deserta! Au sens restreint, la désertion signifie qu'un soldat tourne le dos et s'éloigne de son devoir militaire. Pratiquement partout dans le monde, elle est punie de la peine capitale. Mais pas besoin d'être militaire pour déserter; c'est pourquoi, au sens figuré, nous appelons à la désertion collective pour enfin prendre le temps de réfléchir et de s'interroger. En quoi le système dicté par le pouvoir est-il structurellement violent? Comment nos propres réflexions et actions nous conduisent (in)volontairement à maintenir les rapports de force silencieux au sein de la société? Allons-nous rester en concurrence les unEs les autres pour conserver nos privilèges égoïstes, ou bien allons-nous exploiter toutes les opportunités qu'offrent certaines relations pour enfin refuser le système tel qu'il s'impose à nous?

Ne plus vouloir participer, cela signifie aussi vouloir autre chose. Mais comment développer des alternatives concrètes face aux crises multiples, aux relations d'exploitation globale, au climat de guerre permanent, aux piliers du pouvoir qui paraissent inébranlables? À cause de l'assimilation et du consensus, le pouvoir peut se manifester sans avoir recourt à la violence ni à la coercition. «Les sexes sont une construction», clament les féministes, activistes queer et transgenres, dénonçant les conséquences brutales que cause la société genrée au quotidien. «Le racisme se vit tous les jours», hurlent des activistes antiracistes, pointant du doigt la discrimination omniprésente à cause de la couleur de peau, des appartenances nationale ou sociale. Comment envisager notre subjectivité en échappant aux catégories qui hiérarchisent les races, les classes, les genres, etc?

Et un échelon au-dessus, toujours de nouvelles guerres à livrer, comme au Mali, comme en Syrie... toujours des ressources naturelles à piller, des terres agricoles à s'accaparer, et ce en particulier dans les pays considérés comme étant «du Sud». Pendant ce temps, l'écart entre riches et pauvres continue à se creuser dans tous les pays et tous les continents. CertainEs estiment trouver dans des réactions d'isolement et de nationalisation une solution pour faire face à la crise, en témoigne l'apparition de groupes et partis néofascistes comme en Pologne et en Grèce. Avec son diktat économique et sa logique de sanction, la troïka de l'UE accule toujours d'avantage de personnes au chômage et à la misère. Et constatons que malgré les protestations et résistances multiples, aucun changement fondamental de l'hégémonie néolibérale n'est en vue.

Arrêter de participer, et en même temps aspirer à une vie meilleure. À travers le monde, c'est ce que font nombre d'individus au sein de mouvements, dans des conditions bien difficiles: «J'en ai marre», est le slogan de mouvements populaires au Sénégal; «Nem tetzik a rendzer» (le système ne me plaît pas), chante l'Hongroise Dorottya Karsay, reprise dans la rue par les manifestants en 2011 face au populiste de droite Viktor Orbán; décembre 2012, près de 40 000 Zapatistes au Chiapas lancent une impressionnante offensive avec des marches silencieuses... «Vous avez entendu? C'est le son de leur monde qui s'écroule... »... un écho à leur célèbre «Ya Basta!», synonyme chez les Zapatistes d'un refus des compromis et des réformes.

Deserta! Sans attendre la permission, nous grossirons les rangs des troupes qui désertent, pour s'éloigner encore un peu plus. Ainsi, nous pourrons nous demander comment refuser au quotidien. Comment développer un mouvement de protestation qui, partant d'un «ce sera sans moi» individualiste, parvient à devenir collectif. Il n'y aura aucun État à soutenir ; aucun drapeau, aucune guerre à mener; aucune frontière à tenir, aucun intérieur et aucun extérieur à définir. Dans cette optique, nous appelons au BUKO 35, pour enfin tourner le dos au vieux monde et en explorer de nouveaux.

 

Deserta! Désobéir, résister, se révolter
BUKO 35 # Antimilitarisme # Antiracisme # Luttes de ressources
Congrès internationaliste, 9 -12 mai 2013 à Munich